Entretien en enquête interne : pourquoi rappeler les objectifs et le cadre change tout
- Anaïs Cejudo
- 15 sept.
- 3 min de lecture
Dans le cadre de nos interventions, nous constatons que le démarrage de l’entretien constitue un moment particulièrement sensible. Lorsque l’échange porte sur une suspicion de harcèlement (moral ou sexuel), le contexte émotionnel est souvent marqué par des tensions, des inquiétudes ou des incompréhensions.
Dès lors, le rappel du cadre (trop souvent perçu comme une simple formalité) revêt une fonction essentielle : poser les bases d’un entretien respectueux, méthodique, et plus propice à la transmission d’éléments utiles à l’analyse.
1. Un démarrage parfois confus, voire conflictuel
Certaines personnes auditionnées arrivent à l’entretien avec des représentations erronées. Plusieurs situations peuvent être relevées à ce stade :
Une confusion entre enquête interne et procédure disciplinaire ;
Une attente forte de soutien (notamment de la part des personnes se déclarant victimes) ;
Une défiance vis-à-vis de la légitimité de la démarche (chez les personnes mises en cause) ;
Un inconfort ou une peur de « mal dire » chez les témoins.
En l’absence d’un cadrage clair en début d’entretien, ces postures peuvent se maintenir, voire s’amplifier au fil de l’échange. Il en résulte parfois une parole contrainte, figée ou incomplète, ce qui limite la portée du diagnostic.
2. Les éléments-clés à rappeler systématiquement
Avant d’entamer la première question, il est utile de présenter de manière synthétique, voire écrite (notice d’information), les points suivants :
Le contexte de l’enquête : « Cette démarche s’inscrit dans le cadre d’une suspicion de harcèlement signalée à la direction ou au CSE. »
Les objectifs de l’entretien : « Il s’agit ici de recueillir des faits et éléments de contexte, sans porter de jugement. »
La posture de l’intervenant : « Notre rôle est d’analyser les conditions de travail, les relations professionnelles, et non de qualifier juridiquement les faits. »
Les garanties données : rappel de la confidentialité, droit de s’interrompre ou de compléter a posteriori.
Le déroulé de l’entretien : durée approximative, possibilité de pauses, types de questions abordées.
Ce rappel permet d’abaisser la charge émotionnelle immédiate et de rétablir un cadre de sécurité, sans pour autant diminuer la rigueur attendue.
3. Des effets concrets sur la qualité de l’échange
Dans plusieurs de nos interventions, il a été constaté que le simple fait d’expliciter le cadre modifie sensiblement la posture de l’interviewé·e. On note notamment :
Un apaisement des tensions initiales ;
Une meilleure compréhension des attentes de l’enquête ;
Une parole plus posée, moins dans l’autojustification ;
Une capacité accrue à distinguer faits, interprétations et ressentis.
En cas de difficultés persistantes (propos décousus, confusion entre plusieurs épisodes, refus de coopérer), il est possible de reformuler le cadre à mi-parcours, notamment en rappelant les objectifs concrets du recueil.
4. Cadre clair ≠ neutralisation de l’émotion
Rappelons que poser un cadre n’a pas pour but de neutraliser la parole. Il s’agit au contraire de créer les conditions permettant à chacun de s’exprimer dans un environnement clarifié et respectueux.
Dans certains cas, la personne auditionnée peut être surprise, voire réactive, face à ce rappel. Cela peut signaler une attente d’écoute plus empathique ou une confusion entre l’enquête interne et une procédure d’assistance psychologique. Il est alors pertinent de :
Laisser un temps de respiration ;
Revenir sur les distinctions entre les rôles (expert, RH, médecin du travail, etc.) ;
Rappeler les étapes futures de la démarche, si cela peut apaiser les tensions.
Conclusion
En matière d’enquête interne, le rappel du cadre de l’entretien constitue une précaution méthodologique indispensable. Il structure l’échange, favorise une posture de coopération, et renforce la recevabilité des propos recueillis.
Ce n’est pas une phase annexe : c’est une condition de fond pour garantir la qualité, l’impartialité et la pertinence du diagnostic à produire.

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